L’intérêt accru pour le futur du travail que l’on observe depuis quelques années est le reflet d’une tendance de fond : un désir de transformation de notre environnement, de nos métiers, de nos activités. Cela peut passer par les bureaux, les espaces de travail mais aussi et surtout par une réinvention des organisations.
Et si le futur des organisations appartenait à des communautés de travail horizontales et inspirées ? Le management s’organiserait alors autour des valeurs d’auto-gouvernance, de plénitude et d’une raison d’être évolutive.
Du moins, c’est le pari de Frédéric Laloux, dans son livre Reinventing Organizations : vers des communautés de travail inspirées. Dans l’ouvrage, publié en 2014 et orienté à un public professionnel, l’auteur essaie d’anticiper le futur de l’entreprise par une analyse de l’évolution historique des modes d’organisation de l’humanité et nous propose, de manière très pragmatique, une nouvelle façon d’agencer et de mener le travail en équipe.
Les différents stades d’évolution de l’organisation humaine
Dans son ouvrage, Frédéric Laloux élabore une typologie des différents stades par lesquels l’humanité est passée et de l’organisation de ses activités. Selon lui, il s’agit non seulement d’une évolution des formes d’organisation mais aussi de véritables visions du monde qui, parfois, se chevauchent tout au long de l’histoire de l’humanité sans disparaître totalement. L’identification de ces différents stades nous donne les clés pour comprendre l’évolution future du travail.
Ces différents stades nous donnent les clés pour comprendre l’évolution future du travail
Stade Rouge : un mode d’organisation impulsif
Le stade rouge est bien l’un des paradigmes les plus anciens, nous explique-t-il. Ce mode d’organisation est marqué par son caractère impulsif. C’est le stade du pouvoir par la force, dans lequel l’individu le plus fort est au sommet de l’hiérarchie et le chef est le principal garant de l’ordre social.
Stade Ambre : un mode d’organisation conformiste
Ce mode d’organisation est marqué par son caractère conformiste. L’impulsivité du stade rouge donne place à l’autodiscipline et à la maîtrise de soi qui sont devenus possibles avec le développement d’une capacité de se projeter dans le temps et, donc, de préservation, conservation, de recherche de stabilité.
Stade Orange : un mode d’organisation pour la réussite
Le stade orange est le paradigme qui s’ensuit. Ce mode d’organisation est marqué par son caractère orienté vers la réussite financière. Le conformisme donne place à l’efficacité. C’est l’organisation mécanique, l’entreprise capitaliste industrielle qui se concentre exclusivement sur les aspects matériels comme la structure, les procédures, les pratiques et le comportement des employés.
Stade Vert : un mode d’organisation pluraliste
Avec le stade vert apparaît un mode d’organisation pluraliste. L’auteur explique ici l’efficacité du stade orange donne place à la bienveillance et aux relations plus étroites et harmonieuses. Bien que la structure hiérarchique reste pyramidale, l’égalité prévaut et les employés disposent d’une large autonomie. Cette organisation se rapproche de celle d’une famille, où le bonheur de chacun contribue au succès de l’ensemble.
Stade Opale : un mode d’organisation évolutif
Ici, le grand concept de Laloux : le stade opale et son mode d’organisation évolutif. La bienveillance donne place à l’organisation spontanée en fonction d’objectifs réfléchis et négociés collectivement et en permanence. Celle-ci est vivante et, selon lui, fondée sur trois valeurs :
- Autogouvernance : des systèmes fluides et efficaces d’autorité distribuée et d’intelligence collective où le pouvoir s’exerce de manière organique et spontanée, sans dépendre d’une hiérarchie rigide et pyramidale.
- Plénitude : l’entreprise évolutive invite à faire tomber les masques et à revendiquer une certaine idée de l’essence de gens qui en font partie. Fini l’ego et les jeux d’influence interne.
- Raison d’être évolutive : existence d’une conscience collective et d’un but. Davantage d’écoute et de compréhension vis-à-vis de cette raison d’être et de la direction que l’organisation envisage de prendre.
Le Stade Opale dans le monde réel
Alors, quels exemples d’organisations évolutives et horizontales y a-t-il dans le monde réel ? L’auteur nous en livre quelques-uns et nous avons aujourd’hui décidé de vous en présenter deux : celui de la société Favi et de Spotify.
La société Favi, entreprise française dans l’équipementier automobile, construit des pièces pour des boîtes de vitesse. Avec plus de 500 salariés, elle a une organisation très proche de celle décrite dans le stade opale. L’usine se sous-divise en treize « mini-usines », chacune dédiée à un gros client automobile. Tout fonctionne sur la base de la confiance : pas de contrôle des horaires, pas de retenue de salaires en cas de retard, pas de divisions physiques entre salariés et managers sur l’ensemble du site. L’organisation est décentralisée et les délais toujours respectés.
Chez Spotify nous pouvons trouver aussi une organisation apparentée à celle décrite par Laloux. L’autonomie y est le moteur de l’innovation. Le manager ne contrôle pas son service mais agit plutôt comme un facilitateur de l’accomplissement des tâches. Les collaborateurs sont organisés en petites équipes (appelées « squads ») formant le cœur de l’activité, ce qui permet à chacun d’être innovant, d’agir rapidement et surtout, de façon autonome, c’est-à-dire sans validation constante des décisions.
Évolution des organisations : vers des communautés de travail horizontales et inspirées
Vous l’aurez compris, ce type d’organisation est déjà une réalité et façonne déjà la culture d’entreprise. Une question reste cependant en suspend : comment peut-on créer des communautés de travail inspirées ? Reinventing organizations offre quelques conseils pour l’implémentation de ce modèle dans la vraie vie. Pour Laloux, pour y parvenir, deux conditions doivent être remplies et trois mesures concrètes doivent être prises.
Les conditions pour une entreprise Opale :
- La conscience, l’exemplarité et la modestie des dirigeants pour mener ce projet qui, finalement, implique à céder aux salariés le pouvoir sur les décisions.
- L’adoption de la vision par tous les niveaux de l’organisation, principalement les propriétaires.
Quelques mesures concrètes :
- Pour passer à l’autogouvernance : établir un jour J pour implémenter la mise à plat de l’hiérarchie, l’holacratie. Une refonte de bas en haut de l’entreprise. À partir de ce moment, les équipes et les salariés sont en charge des décisions.
- Pour passer à la plénitude : minimisation des oppositions, création d’initiatives pour favoriser la confiance entre les salariés et mise en œuvre de démarches collectives.
- Pour passer à la raison d’être évolutive : instaurer des discussions collectives, des séances d’écoute collectives pour comprendre le chemin que veut prendre l’organisation.
Avec son livre, Frédéric Laloux défend un nouveau paradigme du management qui remettrait l’humain au centre de l’organisation. Un futur du travail envisageable étant donné l’évolution des entreprises au cours de ces dernières années.
Un futur dont le partage de bureaux et le coworking font aussi partie. À vous de jouer !