Le secteur de l’immobilier professionnel évolue, et c’est peu dire. Parmi ses différents déterminants, il faut souligner l’importance prise — ces dernières années — par l’évolution des modes de travail. Si cette variable peut sembler a priori moins structurante, le future of work influence significativement les dernières tendances du secteur.
Du côté de l’offre, l’essor du coworking rassemble aujourd’hui une kyrielle de profils variés : petits indépendants, acteurs spécialistes (WeWork, Morning Coworking) mais aussi des institutionnels (Le Village du Crédit Agricole, le WAI de la BNP) ainsi que des foncières comme Gecina, Foncières de Régions ou ICAD. L’ensemble de ces acteurs agrège une offre de près de 155 200 m², rien qu’en Ile-de-France (source : Etude Artur Loyd)
Face au phénomène du coworking, la demande se diversifie, elle aussi. Depuis plusieurs années, cet écosystème n’est plus l’apanage des seuls free lance ou des petites entreprises. Un grand nombre de PME de plus de 50 salariés investit désormais les open-spaces, et même les grands groupes s’organisent. Il s’agit d’offrir à leurs employés la possibilité d’intégrer des écosystèmes où rencontres et partages constituent de véritables sources de valeur. Mais où en est le marché aujourd’hui ? Quelle marge de manœuvre reste-t-il aux différents acteurs de l’immobilier ?
Offre & Demande : quand les mètres carrés des uns ne font pas le bonheur des autres…
Reste-t-il encore des espaces disponibles en Ile-de-France ? Difficile de répondre avec précision. Si en 2014, 6 à 10% du parc immobilier francilien restait en permanence vacant, ce chiffre a aujourd’hui fortement diminué. Mais à côté de cette vacance structurelle, notamment due à un marché contraint par le bail 369, il existe plusieurs autres cas à noter où l’espace de bureau peut rester vide.
→ Côté propriétaire :
– Travaux : avant une restructuration lourde ou démolition d’un espace
– Vente : avant une vente, un espace peut rester vacant longtemps
→ Côté utilisateur :
– Trop d’espace : une entreprise ayant loué quelques milliers de m² « en trop »
– Fin de bail : lors d’un déménagement anticipé, l’entreprise paie un double loyer
Face à cette offre — moins visible — la demande de bureaux existe, et c’est peu dire. En 2016, plus de 2000 entreprises ont trouvé leurs bureaux sur le site de Ubiq. Face à une telle demande, Clément Meyer (en charge de l’activité chez Morning Coworking) évoque les syndromes d’un marché où offreurs et demandeurs ne parviennent pas toujours à aligner leurs attentes.
☞ L’offre des foncières : De grands plateaux, disponibles en bail « courte durée ».
De nombreuses foncières ou gestionnaire d’actifs disposent de milliers de m² vacants, disponibles pour de courtes périodes (entre 12 et 36 mois). La plupart de ces biens font l’objet de projet de restructuration aux démarrages incertains, car dépendants d’obtention de permis divers (destruction, construction, etc.). Le problème du marché ? Les foncières veulent répondre à un besoin court terme, avec un arsenal juridique basé sur le long terme.
Clément Meyer raconte comment s’est opéré le rapprochement avec le premier partenaire de Morning Coworking : « En mai 2014, Altarea Cogedim avait pour objectif de restructurer un immeuble de bureaux dans un horizon de temps de 18 mois. Dans ce contexte et calendrier serré, de nombreux plateaux au sein de cet immeuble restaient disponibles à la location. Sur des superficies avoisinant les 1000 m², c’est un vrai challenge pour le propriétaire que de trouver un preneur en bail dérogatoire pour une durée courte (moins de 24 mois en l’occurrence). De fait, Altarea Cogedim a choisi de « commercialiser » ses plateaux différemment avec l’aide de BAP. Notre solution permettant au propriétaire de valoriser un actif grâce à une offre souple et performante pour remplir un immeuble plutôt que de le garder partiellement vide pendant quelques mois. »
Coincé par ces engagements juridiques, le propriétaire doit trouver des solutions nouvelles pour exploiter ses ensembles inoccupés. Dans cet intervalle, certains propriétaires vont chercher à louer ces espaces en bail dérogatoire. Mais, si la taille de l’espace est trop grande (plus de 500 m²), il sera très difficile de trouver une entreprise à même de louer les locaux vacants. Clément Meyer insiste sur ce point :
« Rares sont les entreprises qui acceptent de déménager une cinquantaine de personnes pour une durée inférieure à 24 mois. »
☞ La demande des entreprises : Des espaces de coworking, en prestation de services.
D’après Clément Meyer, nombreuses sont les entreprises (TPE/PME/ startup) susceptibles de partager un plateau de 1500 m² sur une courte période. Pourtant, la plupart d’entre elles refusent de s’engager dans un bail commercial classique. Impossible pour ces structures sans ossature financière, de s’engager dans le versement d’un loyer mensuel fixe sur 3 ans. Leur trésorerie ne permet pas non plus de supporter les frais généraux (logistique, nettoyage, sécurité, etc.) sans même évoquer les frais de démarrage (commission agent, garantie bancaire, loyer-trimestre d’avance, déménagement, agencement, installation fibre, mobilier, etc.). « Une TPE/PME, même en croissance ne peut pas se permettre d’engager des frais trop importants ».
Cette contrainte financière est complétée par une seconde, d’ordre économique : « Ces jeunes entreprises n’ont aucune visibilité sur leur politique d’embauche dans l’année à venir, comment pourraient-elles s’engager pour 3 ans avec un nombre fixe de postes de travail ? » s’interroge Clément Meyer.
Une dernière caractéristique culturelle tend à éloigner les TPE/PME du bail commercial proposé par les propriétaires. Ces jeunes entreprises souhaitent travailler en coworking, des écosystèmes féconds où s’échangent compétences et sources de business. La récente ouverture de Morning Coworking de Monceau illustre bien cet engouement. En moins de 6 semaines, les 7000 m² du centre ont trouvé preneurs. Parmi les 450 occupants, Nicolas Sirot — président de l’agence digitale Shiva — y a installé ses 45 employés. En janvier dernier, il confiait en conférence de presse : « Morning Coworking ce n’est pas que du coworking, c’est une véritable aventure qui nous a permis de grandir dans un univers très riche. »
Sortir du cadre traditionnel pour repenser l’engagement.
Offreurs comme demandeurs se retrouvent dans une situation complexe. Les uns tentant d’exploiter leurs plateaux via des baux dérogatoires, les autres se bousculant vers les espaces de coworking saturés pour s’éviter un engagement financier trop contraignant.
Pour dénouer cette situation, Morning Coworking veut jouer un rôle d’intermédiaire pour rapprocher l’offre des foncières et la demande des start-up. L’objectif visé ? Garantir en quelques mois une entrée d’argent aux foncières tout en fournissant un espace de travail, sans contrainte d’engagement. Pour y parvenir, la filiale de BAP va assouplir les contraintes du marché en s’appuyant sur ses 3 fondamentaux : la rencontre, l’inspiration, la flexibilité.
☞ Ouvrir le cadre juridique : Du bail 3/6/9 à la prestation de services
Dans le cadre de l’exploitation de ses mètres carrés, Morning Coworking va conclure deux types de contrat :
→ Un bail dérogatoire ou une convention d’occupation précaire, entre Morning Coworking et le propriétaire de l’espace. Par ce contrat, la filiale de BAP s’engage à respecter les contraintes de timing du propriétaire. Après une période minimale d’exploitation, le bailleur peut ainsi récupérer son actif afin de lancer son projet tout en respectant un préavis de courte durée (entre 3 et 6 mois).
→ Un contrat de prestation de services entre Morning Coworking et ses occupants. Avec un préavis de 2 mois, ce contrat permet aux hébergés de profiter d’une infrastructure avec une formule flexible et un moindre engagement financier.
« Il faut travailler en confiance avec les propriétaires. Ces derniers nous alertent en amont sur le déclenchement de leurs travaux pour que l’on anticipe la sortie de nos occupants. »
Ce modèle juridique permet à la filiale de BAP de convaincre de nombreuses foncières parmi lesquelles Gecina, Groupama Immobilier, BNPP REIM ou encore The Carlyle Group. Des acteurs incontournables de l’immobilier qui, au-delà de l’aspect juridique, se sont également engagés vers un nouveau modèle financier.
☞ Assouplir le modèle financier
L’un des enjeux de Morning Coworking est d’orienter les propriétaires vers un nouveau modèle financier. La filiale de BAP a mis en place une source de rémunération plus souple, fonctionnant selon un principe de vases communicants. Il ne s’agit plus pour un propriétaire de toucher une enveloppe incluant le loyer, les charges et la fiscalité. Morning Coworking propose dorénavant de garantir l’enveloppe « charges & fiscalités » et de reverser un variable sur le chiffre d’affaires réalisé.
Ce pourcentage reversé est calculé suivant un business plan discuté au préalable avec le propriétaire. Au cours des premiers mois de l’année 1, la filiale de BAP aura comme objectif d’amortir son investissement de départ (travaux, aménagement, mise aux normes, etc.) puis, au fil des années, le partenariat prévoit un reversement croissant du chiffre d’affaires au profit du propriétaire.
Ce business model à la confiance est résumé dans un tableau de financement qui regroupe l’ensemble des postes : investissements de départ, charges de fonctionnement, masse salariale, frais de commercialisation, etc. « Une jeune entreprise comme le nôtre (BAP) ne peut se permettre d’investir 100k sans garantir son retour sur investissement .» La promesse de Morning Coworking est de valoriser les biens des propriétaires fonciers pendant une période indéterminée. La chose n’est pas anodine. Disposer d’un bien vide peut s’avérer très couteux nous confie Clément Meyer : « Quoiqu’il arrive, les propriétaires doivent s’acquitter des charges et de la fiscalité. À cela s’ajoute souvent des frais de gardiennage très élevés afin d’éviter le squat ».
Avec Morning Coworking, les foncières s’évitent non seulement de perdre de l’argent, mais parviennent même à dégager un loyer substantiel.
En 2017, le promoteur NACARAT — après avoir confié 7000 m² de bureaux à la filiale du groupe BAP (avenue Trudaine) — s’est vu reverser environ 1 million d’euros sur une durée d’exploitation de 12 mois.
La valorisation d’un bien par Morning Coworking induit d’autres bénéfices. En prenant sous gestion des espaces en cours de vente ou de commercialisation, la filiale de BAP aide de potentiels preneurs à se projeter dans ces espaces. « Depuis que nous sommes à Boulogne, dans un actif appartenant à GDG Investissements — en cours de commercialisation à la vente, les brokers n’ont jamais fait autant de visites. Nous faisons office de marketing suite. » confie Clément Meyer.
3 mois pour convertir et commercialiser un plateau de 1000 m² en coworking.
La gestion d’un bien qui peut être vendu ou démoli d’une année sur l’autre, exige une certaine efficacité. Après 3 ans d’expériences, Morning Coworking est en mesure de rentabiliser un bien sur une courte durée, la plupart des actifs étant exploités sur une période allant de 12 à 36 mois. Dans cet intervalle de temps très court, l’espace pris en charge sera aménagé, commercialisé puis opéré au quotidien. Pour tenir de tels délais, ils vont encore une fois encore s’appuyer sur leurs 3 fondamentaux : la rencontre, l’inspiration, la flexibilité.
☞ Restructurer les plateaux pour favoriser la rencontre
Lorsqu’il évoque le coworking, Clément Meyer tient à revenir sur la définition du coworking : “Le coworking est un mode de travail où le lien social entre les coworkers est le vecteur PRINCIPAL de réussite. Au delà des moyens matériels et financiers déployés, c’est le partage entre entreprises qui est capable de déclencher un élan vertueux et qui va permettre de créer de la valeur.”
C’est à partir de cette conviction que Morning Coworking déploie l’ensemble de ses actions, notamment la restructuration des plateaux et l’agencement du mobilier. Au fil des exercices,l’entreprise a internalisé l’ensemble des métiers : directeur de travaux, architecte, ébéniste, électricien, etc. Cette organisation permet à l’ensemble des équipes de convertir un plateau de 1500 m² en espace de coworking dans l’espace de 4 semaines. « Notre seul devoir, c’est d’être à l’écoute du marché, de rester agile pour répondre aux besoins premiers : la rencontre. » précise Clément Meyer.
☞ Remplir et gérer des espaces
Pour assurer le remplissage des espaces qui lui sont confiés, Morning Coworking met en ligne ses offres sur la place de marché Ubiq, activité historique du groupe BAP qui met en relation offreurs et demandeurs de bureaux flexibles. Depuis sa création en 2012, la plateforme est devenue la référence française du partage de bureaux. Grâce à cette synergie, Morning Coworking garantit un remplissage à 90% de ses espaces, après 3 à 6 mois d’exploitation. Une efficacité qui permet au responsable de l’activité chez Morning Coworking de fidéliser ses partenaires propriétaires :
« Après nous avoir confié un premier plateau de 1000 m² mi-2014,
Altarea Cogedim nous a successivement transmis 4 plateaux et demi à valoriser. Pendant toute la durée d’exploitation, le taux d’occupation flirtait avec les 90%. »
Après avoir réalisé les travaux, l’aménagement puis la commercialisation de ses espaces, Morning Coworking assure leur bonne gestion en s’appuyant sur le logiciel LINK. Cet outil permet de dématérialiser la relation entre le gestionnaire du coworking et ses occupants. Grâce au logiciel de gestion LINK, une seule personne peut prendre en charge 1500 m². Le produit propose deux modules :
→ La partie administrative qui permet de gérer la vie des contrats en ligne : signature, facturation, paiement, résiliation.
→ La partie communautaire qui présente des fonctionnalités pour animer la vie de l’espace : fil d’actualité, échange avec la communauté, trombinoscope, module de réservation de salles de réunion, etc.
Depuis 2015, nombreuses sont les foncières qui ont suivi Altarea Cogedim. Morning Coworking compte dans son portefeuille une quinzaine de propriétaires dont Gecina, BPI France, Groupama Immobilier, GDG Investissements, BNPP REIM, La CIPAV, Nacarat, CNP, RIVP, l’EPF, UNOFI ou encore The Carlyle Group …
Il y a 3 ans, Morning Coworking prenait en charge son premier plateau de 1000 m² à Neuilly-sur-Seine. Aujourd’hui, ils exploitent 15 espaces de coworking en Ile-de-France au profit de différentes foncières. Cet ensemble immobilier accueille près de 400 entreprises occupant plus de 4000 postes de travail. La gestion d’un tel parc a permis à Morning Coworking de réaliser un chiffre d’affaires de près de 10,5 millions d’euros en 2017, avec un objectif à 20 millions d’euros en 2018.
Pour parvenir à cet objectif, Morning Coworking ambitionne d’ouvrir 100 000 mètres carrés dans les deux ans à venir, en continuant à promouvoir son modèle auprès de propriétaires fonciers, promoteurs, collectivités et grands utilisateurs. Pour assurer ce développement, ils se lancent dans la prise à bail longue durée (9/12 ans) tout en s’appuyant sur sa force principale : la communauté Morning Coworking.