Les nouveaux rythmes de travail nous font nous demander ce que signifie être productif en 2019. À l’heure où la technologie révolutionne nos mentalités et nos manières de travailler en se mettant au service de l’efficacité des employés et donc des entreprises, il est pertinent de se poser cette question de la productivité. Un employé restant au bureau jusqu’à 19h peut-il vraiment être qualifié de productif ? Ou bien sommes-nous conditionnés à le croire de par la culture du présentéisme qui règne en France ?
En effet, si l’on regarde bien, le future of work est majoritairement incarné par des start-ups dans lesquelles il n’est pas rare d’accumuler les heures supplémentaires. C’est attendu et c’est bien vu. Mais n’est-ce justement pas antinomique, voire contreproductif, que de vouloir révolutionner le monde du travail en perpétuant un schéma se révélant finalement peu moderne ? De plus en plus d’entreprises s’intéressent à la question du rythme de travail et certaines essaient même aujourd’hui de se détacher de ce modèle classique pour migrer vers des modèles plus flexibles. Aussi, nous vous proposons un petit tour d’horizon des rythmes de travail alternatifs adoptés partout dans le monde.
La semaine de 15 heures
Dans son livre Utopies réalistes, Rutger Bregman met en avant plusieurs théories pouvant être qualifiées d’utopistes. Déjà évoquée par l’économiste Keynes dans les années 30, l’historien néerlandais remet notamment la semaine de 15 heures au goût du jour. Selon lui, jusque dans les années 60-70, tous les intellectuels, philosophes, économistes et sociologues estimaient que l’on serait amenés à travailler de moins en moins. L’objectif de l’homo sapiens étant jusque là d’arriver un jour à se détacher du travail. Seulement voilà, après une baisse constante du nombre d’heures travaillées, il s’avère que depuis les années 80, nous travaillons de plus en plus. Une augmentation pouvant être expliquée par le consumérisme : travailler plus, pour gagner plus, pour consommer plus.
Depuis les années 80, nous travaillons de plus en plus
Selon Rutger Bregman, l’évolution et l’enrichissement de notre société seraient un contexte justement propice à pousser à travailler 20 heures de moins par semaine. De plus en plus d’automatisation, une augmentation du chômage, une augmentation des burn-outs : des facteurs bien différents qui, pour lui, sont pourtant les voyants verts pour la réduction effective du temps de travail.
Que faire si on travaille seulement 15 heures par semaine ?
S’ennuyer ! D’après Rutger Bregman, l’ennui est un des plus grands défis de demain mais aussi une opportunité. En ayant plus de temps libre, l’être humain aurait ainsi plus de temps pour prendre le temps de faire des choses qui ont une plus grande valeur sociale : aider la communauté, s’occuper des enfants, etc…
Quels sont les impacts de la semaine de 15 heures ?
Dans un premier temps, pour Rutger Bregman, ce rythme permettrait aux individus d’apprendre à consommer autrement : plus de loisirs et moins de biens. Ce qui engendrerait notamment une diminution des émissions de CO2.
D’après lui, les évolutions permises par ce rythme auraient une portée au-delà de l’écologie : permettraient de combattre le stress et la dépression, de réduire les inégalités entre les sexes mais aussi financières.
Une utopie qu’il considère réaliste mais sur laquelle aucun pays et aucune entreprise n’a encore misé. Une thématique que pourrait bien s’approprier le future of work dans les années à venir…
La journée de 5 ou 6 heures
Le cas de Tower Paddle Boards
Si le rythme de la semaine de 15 heures peut sembler utopiste, la journée réduite de 5-6 heures a quant à elle déjà convaincu plusieurs dirigeants d’entreprise. C’est le cas de Stephan Aarstol, auteur du livre The five hour workday et CEO de Tower Paddle Boards. La vision de son entreprise étant d’apprendre aux gens à vivre différemment, Stephan Aarstol a jugé essentiel que son entreprise incarne ces valeurs. C’est pourquoi il a décidé d’instaurer la journée de 5 heures pour tous ses employés et ce en maintenant leur salaire. Travailler de 8h à 13h, sans pause déjeuner, voici le nouveau quotidien des employés de Tower Paddle Boards. Du temps de libre leur permettant notamment de profiter des paddles que l’entreprise vend.
Tower Paddle Boards a connu la plus forte croissance de San Diego
Pour les salariés de l’entreprise américaine, chaque jour est un peu comme une journée de vacances : ils peuvent s’aérer l’esprit et revenir plus frais au travail le lendemain. Après 3 mois d’essai, pour Stephan Aarstol, le résultat est plus que satisfaisant : Tower Paddle Boards a connu la plus forte croissance de San Diego. Comment est-ce possible ? Pour réaliser le même volume de travail en 5 heures au lieu de 8 heures, les employés ont été forcés de trouver des outils pour être tout aussi productifs. Pari gagné pour Tower Paddle Boards !
Le cas de Collins SBA
Jonathan Elliot est le fondateur de Collins SBA, une entreprise australienne. Lorsque sa femme est tombée malade, Jonathan a dû travailler moins et rester tout aussi productif. Après quelque temps, il s’est rendu compte qu’il s’en sortait car il parvenait à être plus efficace. Il s’est donc inspiré du modèle suédois de la semaine de 6 heures et a décidé de mener un test durant 3 mois au sein de son entreprise.
Le deal : les employés travaillent moins, au même salaire et pour une efficacité identique. Si tout est fini à 14h, les salariés peuvent rentrer chez eux. Pour gagner en efficacité tout au long de la journée, l’entreprise a dû opter pour une méthode de réunion alternative plus efficace. Ils ont donc opté pour le stand-up meeting. Lorsque l’on est debout, on a tendance a être plus concis que lorsque l’on est confortablement assis à une table. Résultat : les réunions ne s’éternisent plus et les salariés économisent du temps.
Avec la journée de 6 heures, les arrêts maladie ont baissé de 12%
Aujourd’hui, c’est la culture d’entreprise tout entière qui a changé chez Collins SBA. En effet, les gens sont désormais félicités lorsqu’ils parviennent à partir plus tôt ! Suite aux résultats positifs (-12% d’arrêts maladie par exemple), l’entreprise a décidé de garder ce rythme de manière définitive.
La semaine de 4 jours
Avoir un week-end de trois jours toutes les semaines ? C’est bien possible et ce sans avoir un temps partiel ! Le cas d’entreprises ayant mis en place une semaine de 4 jours n’est pas isolé et séduit même certaines entreprises françaises.
Love Radius
C’est à la période des jours fériés de mai qu’Olivier Sâles, co-fondateur de Love Radius, s’est mis a envisager la semaine de 4 jours pour ses employés. En effet, en ayant observé un maintient de la productivité en mai et un net enthousiasme au sein de ses équipes, Olivier Sâles s’est décidé à lancer le test : au début, seulement une semaine sur deux, puis le rythme est généralisé. De mai à fin août, les salariés de Love Radius ne travaillent plus que 4 jours, de 9h à 17h. Et ça marche !
Yprema
Chez Yprema, on travaille 35 heures sur 4 jours depuis 1997. Pour y arriver, cette entreprise mise sur la polyvalence. Les salariés travaillent en équipe de deux ou trois et se voient attribuer des jours de congés différents les uns des autres afin de pouvoir se remplacer. Les employés sont donc formés à deux postes !
Pour cette entreprise, la réduction du temps de travail leur a permis de gagner un mois de production par an ! Eh oui, les employés ayant un volume horaire journalier plus important et des jours de congés en décalé, cela a permis aux machines de fonctionner 44 heures par semaine au lieu de 35. De plus, le rythme de la semaine de 4 jours a permis à Yprema d’embaucher : ils sont passés de 42 salariés en 1997 à plus de 50 en 1998. 22 ans après, ils sont toujours convaincus !
Comment travailler moins ?
D’après l’auteur Alex Soojung Kim Pang, nous sommes efficaces 4h par jour. D’ailleurs, Darwin et Dickens ne travaillaient que quelques heures par jour. Le reste du temps, ils lisaient, se baladaient… ils prenaient du temps pour eux. Ils ont pourtant accompli de grandes choses ! La réduction du temps de travail n’est donc pas synonyme de fainéantise comme on pourrait le penser. Au contraire, cela boosterait même la créativité ! Comment avoir de nouvelles idées quand on reste assis sur une chaise à regarder un écran 8 heures par jour ? Pour être créatif, il faut pouvoir prendre du recul, s’aérer la tête et s’inspirer et c’est ce que les nouveaux rythmes de travail souhaitent offrir à leurs employés.
Ce n’est peut-être pas applicable à toutes les professions mais certaines entreprises l’ont prouvé : cela peut marcher. Ces rythmes de travail peuvent étonner de prime abord mais pour y arriver, pas de miracle, un mot : efficacité ! Et cette efficacité est atteignable grâce à différents outils et méthodes.
1. La Règle du 80-20
D’après l’économiste et sociologue italien Vilfredo Pareto, 80% des résultats que l’on obtient (positifs comme négatifs) sont obtenus par seulement 20% du travail fourni. Ce dernier invite donc à faire le tri pour se concentrer sur ces 20%. Comme on est plus en forme et productif le matin, on commence par les tâches les plus impactantes (les 20%) dès le matin et on finit par les tâches les moins significatives.
80% des résultats que l’on obtient sont obtenus par seulement 20% du travail fourni
La règle du 80-20, c’est aussi apprendre à prioriser, à savoir dire non et à déléguer. Vous verrez, en appliquant cette méthode, votre efficacité sera décuplée !
2. Ne pas se laisser distraire
Une journée de 8h, ça peut être long et ça laisse du temps à la distraction. Une étude GoTo à montrer que plus d’un Français sur deux consulterait son portable personnel entre 1 à 9 fois par jour. Ce n’est pas tout, les salariés français passeraient en moyenne 23 appels téléphoniques privés par semaine, pendant les heures travaillées. Pour gagner en efficacité et réaliser ses tâches plus rapidement, on range donc son téléphone !
Plus d’un Français sur deux consulterait son portable personnel entre 1 à 9 fois par jour
Essayez également de ne pas regarder vos mails toutes les 10 minutes. Quand vous avez besoin de vous concentrer sur quelque chose de précis, fermez votre boite mail et ne la rouvrez que quand vous sentez votre concentration décliner.
3. Ne pas procrastiner
Quand on travaille moins d’heures par semaine, il devient impossible de procrastiner si l’on veut garder un niveau d’efficacité stable. Conclusion : hiérarchiser, OUI, tout remettre à demain, NON.
4. Automatiser ce qui peut l’être
Si vous avez des tâches répétitives ou que vous perdez beaucoup de temps à organiser, pensez à adopter de nouveaux outils. La technologie peut vous faire gagner du temps précieux, ne l’oubliez pas !
5. Rompre avec la culture du présentéisme
Apprenez à déculpabiliser quand vous avez fini vos tâches à 17h. Cela montre au contraire que vous avez réussi à être efficace et ça, c’est un vrai plus pour vous !
Pour les entreprises mentionnées dans l’article, l’expérience s’avère plus que concluante. Elles mentionnent néanmoins que pour réussir cette transition, une bonne dose de discipline et de bonne volonté sont nécessaires. Mais les Français sont-ils prêts à abandonner la culture du présentéisme au profit de la culture de l’efficacité ? À suivre…