La Défense : passé ou avenir du bureau ?
La Covid. Ce mot est sur toutes les lèvres, sur toutes les chaînes de télévision et dans toutes les discussions.
La pandémie a profondément modifié l’usage, le fonctionnement, l’utilisation du bureau et les modes de travail. Cela tend à se maintenir dans le temps.
Le Travail avec un grand T est bouleversé. Les usages sont en pleine mutation. Le bureau et son utilisation sont repensés en profondeur. Et personne n’y échappe, pas même La Défense. Mais quel sera son réel impact sur les quartiers d’affaires comme celui que représente La Défense dans le monde entier?
Premier quartier d’affaires d’Europe, La Défense et ses 3,8 millions de m2 de bureaux, répartis sur 124 immeubles, possède les tours les plus hautes et les plus emblématiques de France.
La Défense incarne aujourd’hui un usage du bureau particulier qui ne semble pas répondre aux attentes émergentes révélées par la crise de la Covid. Quel sera l’impact de la crise sur ce quartier d’affaires? Est-il voué à maintenir sa réputation de quartier d’affaires ou est-ce la fin de cet emblème business ?
Au fait, c’est quoi La Défense?
Petite histoire autour de son nom (rassurez vous, on vous la fait courte).
Il y a de nombreuses années, une statue a été érigée en l’honneur des soldats qui ont défendu Paris au cours de la guerre franco-allemande en 1870. Cette statue de bronze, faite par Louis-Ernest Barrias, s’est faite appelée “La Défense de Paris”. Elle a été inaugurée en 1883 au cœur de l’actuel quartier de La Défense. Le quartier porte ce nom en cet honneur.
Un quartier en pleine expansion, depuis … 40 ans !
C’est la révolution industrielle de la fin du XIXème siècle qui a initié le développement et lancé la mutation et le développement du quartier de La Défense en faisant venir les premières usines et tramways à vapeur.
Puis, dès les années 1920 l’idée de développer un quartier parisien dans le prolongement de l’axe historique a émergé. Il faudra cependant attendre la fin de la seconde guerre mondiale pour que ce projet se concrétise. Suivront ensuite l’arrivée du RER, du métro, des tours de seconde génération ou encore la création du boulevard circulaire.
Tournant pour le quartier : les années 80. Une vague d’aménagements est venue dynamiser et agrandir La Défense avec la construction de nombreuses tours, plus petites que les précédentes mais plus économes et confortables. Et c’est en 1989 qu’est venue s’installer la Grande Arche avec sa forte valeur symbolique pour célébrer le bicentenaire de la révolution française.
Quartier historique en mutation depuis plus de 40 ans, La Défense est-elle amenée à se transformer en profondeur pour s’adapter aux nouveaux usages et aux nouvelles attentes des salariés et des entreprises ? Ou plutôt à laisser la place à de nouveaux quartiers d’affaires en ne représentant plus le symbole français et Européen du monde du travail ?
La Défense, des raisons d’y croire encore !
La Défense a réussi à s’imposer comme le symbole du monde des affaires Françaises, voire même Européennes. Il est devenu presque impensable qu’elle puisse être amenée à disparaître.
D’autant plus que le quartier continue de croître et de se renouveler avec de nouveaux projets. 4 nouvelles tours sont en construction et La Défense a décidé de faire peau neuve.
Le prochain projet est la construction d’une grande esplanade de la taille des Champs Elysées. À plus de 30 mètres de hauteur et passant de toiture en toiture entre les différents buildings de La Défense, différents espaces de coworking seront autour de l’Esplanade.
L’immobilier est un marché comme un autre.
Le marché de l’immobilier de bureaux possède donc des cycles qui varient en fonction de l’offre et de la demande. Ces cycles, un peu plus longs que la normale, durent entre 6 et 10 ans. Dès lors, un déclin du marché n’est pas systématiquement inquiétant. Ce n’est qu’une question de temps avant qu’il fleurisse à nouveau. Pour La Défense, ce n’est pas le premier et ce ne sera sûrement pas le dernier.
Cependant, on ne peut pas nier le fait que ce quartier d’affaire connaît depuis la pandémie une crise immobilière. Pour en sortir, plusieurs solutions sont envisageables : une re-tarification des loyers plus juste et adaptée au marché, une division des surfaces pour s’adapter à la demande ou encore un regain d’attractivité du quartier grâce à la restauration, aux événements organisés, à son accessibilité grâce aux transports et une dynamisation de celui-ci.
L’Arche de La Défense
Aussi, si le télétravail vient à se généraliser, une réduction entre 15 et 20% des surfaces est à venir. La solution : sous-louer, ou vendre, des bureaux ou des étages complets dans les tours du quartier d’affaires.
Le bureau doit simplement chercher à toujours se réinventer en suivant les évolutions de la société au fil du temps. Depuis plusieurs années et d’autant plus depuis la pandémie mondiale, le travail devient chaque jour plus flexible. Dès lors, le bail classique 3/6/9 comme nous le connaissons devient de plus en plus obsolète.
Aujourd’hui, La Défense l’a compris et ce, même si le modèle classique y prédomine toujours. Avec une occupation des bureaux ne dépassant pas les 50%, le flex office y a fait son apparition. Il permet d’occuper l’espace inutilisé et cette solution non négligeable va s’intensifier. Plus de modèle de travail fixe, mais une infinité de modèles qui s’adaptent à chaque entreprise et à chaque collaborateur.
On y retrouve alors différents types d’espaces allant du coworking, aux bureaux en passant par l’open space.
Vue depuis La Défense
Bien au-delà du choix des meubles, des matériaux, des équipements ou encore des couleurs; les espaces de détente, communs et de sport auront une place primordiale à l’avenir. En d’autres mots, les espaces serviciels sont l’avenir de la vie au bureau et peuvent constituer un véritable coup de cœur pour des personnes souhaitant louer un bureau à La Défense. Restauration, espaces extérieurs, terrasses, salle de fitness. Ils permettent d’augmenter la productivité des employés et les invite à venir au bureau.
“Il n’y aurait cependant pas de quoi s’inquiéter” selon Pierre-Yves Guice, directeur général de Paris La Défense. En effet, dans un témoignage livré fin avril pour la Gazette de La Défense, il affirme que différentes annonces de commercialisation ont été effectuées ces dernières semaines “notamment dans des immeubles neufs ou restructurés, (qui) soulignent le maintien de l’attractivité de Paris la Défense”.
Le quartier, ayant déjà connu des périodes de ralentissement dans son histoire, même récente (entre 2001-2002 et entre 2009-2013), a toujours réussi à se relever et à rebondir. « On est toujours sur une phase instable, c’est un peu la nature de ce territoire qui veut cela ».
Pierre-Yves Guice est donc certain que le télétravail et la crise sanitaire ne vont en aucun cas impacter le modèle du quartier de La Défense : « On a la chance d’avoir un statut juridique particulier sur ce territoire, avec les plans d’intérêt national, avec l’établissement public… Il n’y a aucun territoire en France qui a la même concentration de dispositifs, de ressources, de moyens d’actions et d’interlocuteurs pour développer des projets ».
La Défense, encore loin de devenir le nouvel Eldorado du Flex office ?
Sans surprise, la crise de la Covid 19 et les confinements ont eu un réel impact sur le marché de l’immobilier de bureaux.
Les entreprises de La Défense ont enregistré une baisse de fréquentation de leurs bureaux de 40%, alors que celle-ci n’était déjà pas optimale auparavant. De plus, le travail en lui-même s’est déshumanisé. Avec le télétravail, les bureaux se vident et l’ordinateur et la webcam prennent le relais. Et pour ceux continuant de venir travailler en présentiel, méfiance et inquiétude de croiser l’autre et de tomber malade règnent dans les couloirs.
Beaucoup de constructions sont encore en cours au coeur du quartier d’affaires. Le parc de La Défense, qui fait déjà 3.8 millions de mètres carrés, continue de grandir quand les besoins en termes de nombre de postes et de m2 vont se réduire.
Pour d’autres, c’est directement le départ. On en compte déjà plusieurs comme Engie qui quitte sa tour T1 pour un campus entier qu’il fait construire un peu plus loin là.
Pourquoi tant de mutations géographiques?
Il faut savoir que la majorité des immeubles de La Défense sont plus ou moins anciens. Ils ne s’adaptent pas bien aux nouvelles contraintes sanitaires, qui pour certaines sont certainement vouées à rester la norme. Par exemple, nombreuses sont celles qui ne possèdent ni ouvertures ni fenêtres, seul l’air conditionné y circule en permanence.
Les tours sont si hautes qu’il y a des ascenseurs pouvant accueillir une capacité très importante de personnes. Or, dans un ascenseur pouvant accueillir 40 personnes, aujourd’hui nous ne pouvons en mettre que 5 fois moins. Résultat : de longues files d’attente se créent.
L’ancienneté de ces constructions engendre également une consommation plus importante et donc une émission plus forte de CO2.
Autant de raisons qui font que les entreprises semblent déserter peu à peu le quartier. Et ce, même si la valeur de l’immobilier y est passée de 600€ à 400€/m2 en quelques mois.
Quel avenir pour ce quartier d’affaires encore en pleine construction ? Un tournant semble-t-il s’opérer pour le rendre plus flexible?
De nombreux grands groupes travaillant dans ce quartier des affaires commencent à renégocier les surfaces des bureaux leur appartenant en les subdivisants pour aller dans ce sens mais la mutation semble encore timide pour ce quartier d’affaires qui doit trouver moyen de se transformer pour s’adapter aux usages et nouvelles attentes des collaborateurs.
L’avis de Mehdi
Si le quartier de La Défense était une chanson, elle serait le mal aîmé. Depuis plusieurs années La Défense lutte contre une image de quartier des affaires froid (40% des franciliens sondés par Opinion Way en 2018), voire austère et triste (34%). Il est particulièrement intéressant de voir que ces chiffres correspondent principalement à l’image renvoyée par le quartier de la Défense alors que ceux qui y vivent ou y travaillent au quotidien en sont plutôt satisfaits. En effet, depuis 2013, Paris La Défense réalise un baromètre d’opinion auprès de ceux qui travaillent ou vivent au quotidien à la Défense pour tirer des enseignements et améliorer la vie du quartier au quotidien. Dans le dernier baromètre pré-covid (octobre 2019), 93% des salariés sont satisfaits de travailler à la Défense (en augmentation de 5% par rapport à l’année précédente et de 8% par rapport à 2013). À croire qu’il fallait éprouver la Défense au quotidien pour en comprendre la valeur.
Aujourd’hui dans un contexte où les plateaux sont déserts depuis plusieurs mois, le quartier se redéfinit à grande échelle. Les modèles de prise à bail notamment sont réinventés. Alors que les propriétaires favorisaient les bâtiments mono-locataires, certains acteurs jouent maintenant la carte de la divisibilité des surfaces. Ils rendent le quartier de Paris La Défense accessible aux PME.
De nombreux autres projets sont dans les cartons et permettent d’envisager le renouveau de La Défense :
- Le coeur vert : un vaste parc urbain en plein coeur de l’esplanade
- Le chantier la Défense à vélo avec la création de nombreuses places de stationnement et pistes cyclables pour faciliter la vie des “vélotaffeurs”.
Avec ces nouveaux projets et en s’appuyant sur ses fondamentaux de toujours : les transports, les services et commerces et des loyers attractifs, le quartier de la Défense compte bien une fois de plus renaître de ses cendres.
Pour cela La Défense va devoir favoriser l’émergence d’écosystèmes d’acteurs en son sein et amener ses bailleurs à adapter leur parc aux nouveaux usages flexibles du bureau.
La Défense : avenir ou passé du bureau ?
Seul le temps nous le dira …