Au-delà de la réouverture très attendue des lieux de vie, le déconfinement progessif pose aussi la question de notre retour au bureau. La crise a déjà profondément transformé les espaces de travail, en imposant plus de flexibilité et d’hybridation sous l’effet de l’essor du télétravail. Mais ce n’est qu’un avant goût à la déspatialisation qui devrait, à terme, redéfinir entièrement notre rapport aux lieux professionnels.
Comment le rapport au bureau a-t-il évolué ?
La révolution télétravail
La crise du Covid a signé l’avènement du télétravail. Alors qu’il progressait timidement avant, il est devenu la norme en quelques mois : fin 2020, 45% des salariés français télétravaillaient 3,6 jours par semaine en moyenne, contre 30% et 1,6 jour fin 2019. Cette envolée a sonné le glas du bureau traditionnel et l’essor du travail flexible et nomade. Avec un ordinateur et une connexion, les salariés ont réalisé qu’ils pouvaient travailler de partout.
Malgré des disparités selon les secteurs, le phénomène a un impact majeur : 70% des entreprises veulent revoir leur organisation et 80% des salariés veulent plus de flexibilité et de coworking. En forçant son adoption, la crise a révélé tous les bénéfices du télétravail, en termes d’accessibilité et d’économies.
Qu’est-ce qui se cache derrière le télétravail ?
Le télétravail a encore de beaux jours devant lui, mais sous une forme plus hybride, avec un minimum d’un jour par semaine à distance que les entreprises devront encadrer.
Cette généralisation a assoupli le monde du travail. Le télétravail se décline désormais sous plusieurs formes : home office classique, nomadisme numérique pour travailler de partout, full remote déconnecté du bureau, ou coworking ponctuel.
Mais le 100% télétravail reste marginal car il ne convient pas à tous les postes ni à tous les besoins (réunions, RDV…). Un nouveau modèle s’impose : au lieu de travailler depuis un poste fixe au bureau, les salariés jonglent entre une multitude de lieux selon leurs tâches.
Les entreprises se sont-elles adaptées ?
Plusieurs entreprises ont expérimenté de nouveaux modes d’organisation :
Germinal a testé le « zéro bureau physique » avec tous ses salariés en full remote, non sans défis pour préserver sa culture.
Twitter encourage le télétravail permanent pour réduire ses coûts immobiliers.
Google réinvente ses espaces avec des « team pods », des écrans intégrant les télétravailleurs comme s’ils étaient présents, et un mobilier 100% flexible.
Ces exemples illustrent la variété des réponses à l’essor du travail à distance, entre remote intégral, pérennisation du télétravail et hybridation poussée des bureaux.
Attentes des travailleurs et rythme de déconfinement
Malgré l’adoption massive du télétravail en entreprise pendant la crise, son recours devrait évoluer à moyen terme. Ses bénéfices initiaux s’estompent et ses limites ressortent : 47% des télétravailleurs se sentent isolés et 34% plus stressés.
À l’inverse, 70% voient le bureau comme le meilleur lieu pour souder les équipes. La majorité veut télétravailler 2,5 jours par semaine en moyenne, soit 2 fois plus qu’avant la crise mais moins qu’au plus fort de la pandémie. Le télétravail va donc s’ancrer dans la durée mais de façon plus mesurée, avec moins de salariés en distanciel simultané.
L’évolution sanitaire va rythmer le retour au bureau. 94% des salariés veulent revenir sur site, mais le gouvernement prévoit un assouplissement graduel de l’obligation de télétravail, laissant aux entreprises le soin de fixer leurs propres règles.
Vers un retour progressif au bureau ?
Encadrer le télétravail au niveau national s’est avéré complexe. Les entreprises ont imposé leurs propres règles. Selon une étude, à l’avenir, 52% ne laisseront pas le choix du lieu de travail aux salariés, 77% veulent les faire revenir au bureau dès 2021 mais 64% comptent pérenniser le télétravail.
À court terme, on peut tabler sur un retour au bureau voulu par tous, avec un télétravail réduit. Mais à long terme, trois tendances s’imposeront :
La flexibilisation : en s’adaptant au télétravail, les entreprises ont gagné en agilité et compris que le bureau classique n’était plus incontournable face au flex office.
L’hybridation : place à des modes de travail panachant bureau, domicile et tiers-lieux, sans poste ni horaires figés.
La déspatialisation : en mixant flexibilité et hybridation, l’entreprise éclatera en de multiples lieux de travail au choix des salariés. Le bureau ne la définira plus à lui seul.
Ces mutations des espaces de travail mèneront à une convergence vers des organisations déspatialisées.
Le bureau est-il toujours un lieu de rencontre ?
La crise a montré qu’aller au bureau n’est plus un passage obligé pour être productif. Les journées de travail type et les interactions pro doivent être repensées autour de moments clés, sans contrainte géographique. Cette remise en cause du bureau traditionnel fait émerger deux constats :
Les rencontres pro se raréfient mais gagnent en efficacité. La multiplication des lieux de travail alternatifs (coworking, tiers-lieux…) crée aussi de nouvelles synergies.
Le bureau reste un point de rencontre mais sous des formes réinventées. Il n’est plus cantonné à un lieu unique mais s’improvise partout : au siège, chez les salariés, dans un espace de coworking, un café, un hamac… Chaque m2 peut faire office de bureau, pour 3 minutes ou 3 ans.
Ces nouveaux modes de travail font déjà leurs preuves, avec par exemple des pass coworking étendus aux étudiants et retraités. Pour l’après-crise, les entreprises parient sur une forte proportion de télétravailleurs (64%), l’usage des tiers-lieux (61%) et la réduction des surfaces de bureaux (57%).
Quel rôle aura le bureau de demain ?
Repenser l’aménagement de bureau
Quel rôle jouera le bureau à l’avenir ? La priorité immédiate des salariés semble de renouer avec leurs collègues après une longue séparation : 35% ne veulent plus télétravailler et 61% ont besoin de retrouver leurs équipes selon l’étude de JLL.
Cela doit inspirer la réinvention des bureaux de demain comme lieux de collaboration, de partage et de rencontre. Mais gare à l’excès inverse qui les réduirait à des espaces café et de réunions informelles. Les bureaux devront surtout permettre une collaboration hybride, entre présents et distants. Plus que de simples points de retrouvailles, ils devront être repensés pour servir une grande diversité d’usages, en particulier ceux qui sont les moins bien remplis à domicile.
Vivre et faire vivre l’entreprise
Peu avant la crise, nous parlions du concept d’Activity Based Working qui invite à concevoir des bureaux offrant aux salariés une palette d’environnements adaptés à chaque activité. Cette approche est plus que jamais d’actualité.
Selon leur organisation, leur culture et leurs métiers, les entreprises devront proposer des espaces encourageant des postures de travail variées : concentration, créativité collective, expérimentation en groupe ou avec des clients, déconnexion des sollicitations numériques, échanges informels…
C’est cette capacité à servir des usages diversifiés qui fera l’intérêt du bureau de demain. Pour redonner du sens à leurs espaces, les entreprises doivent repenser la valeur ajoutée de leurs m2 face au domicile des salariés. Les retrouvailles entre collègues ne suffiront pas à faire la différence sur le long terme.
En conclusion, le bureau n’est pas mort mais ses usages se sont démultipliés. On ne peut plus parler du bureau mais des bureaux. Le retour sur site ne sera pas forcément massif, le bureau étant resté accessible pendant la crise, contrairement aux lieux de loisirs. À court terme, un retour progressif sur un lieu fixe est probable, avec l’adoption d’un modèle hybride variable selon les entreprises et les métiers. À moyen-long terme, après une phase de flexibilisation, les organisations devraient se « déspatialiser ».
C’est à nous d’inventer ensemble le bureau de demain !